Réveille-toi, mon cœur !
Depuis combien de temps
Te laisses-tu bercer
Par ta langueur ?
Exalte la noblesse
Du sang qui te traverse !
Ne t’épargne aucun mal,
Bats-toi, dompte le vent !
Que le monde envoûté
Te rende hommage…
Tristan Colovray • Céline Dumas
Réveille-toi, mon cœur !
Depuis combien de temps
Te laisses-tu bercer
Par ta langueur ?
Exalte la noblesse
Du sang qui te traverse !
Ne t’épargne aucun mal,
Bats-toi, dompte le vent !
Que le monde envoûté
Te rende hommage…
au chevalier Bayard,
le bon chevalier sans peur et sans reproche
Ses beaux yeux m’ont bercé plus avant que la nuit
Où le monde en un cri de douleur se rétracte
Où résonnent le vide et mon cœur qui se braque
Que suffoquent l’écume et l’espoir aboli
Quand le monde en un cri de douleur se rétracte
Le soleil reste bleu dans le ciel assombri
Que suffoquent l’écume et l’espoir aboli
Sous le glas du grand deuil la cadence du glas
Le soleil reste bleu dans le ciel assombri
Je souffre le martyre et martyr fais un pas
Sous le glas du grand deuil la cadence du glas
Une armure un cheval et qui m’aime me suive
Je souffre le martyre et martyr de ce pas
M’en vais aux vents du jour que je foule en sa lie
Une armure un cheval et qui m’aime me suive
Le chemin reste vierge qui mène au grand soir
T. C.
Le recueil de Marcel Thiry retrace le long voyage d’un jeune homme. Dans ce poème, celui-ci effectue sa première traversée en bateau.
Et les femmes sont si belles
Et leurs noms ensoleillés
Sur la mer font brasiller
Des promesses si nouvelles
Et le navire est si blanc
Et les femmes sont si belles
Qui doucement s’échevellent
Aux tièdes vents émouvants.
Et la contrée irréelle
Nous attend si tendre au bout
De ce long voyage si doux
Parmi ces femmes si belles
Et la houle est une tant
Bleue et blanche balancelle,
Et les femmes sont si belles
Sous le ciel tant nonchalant.
Marcel Thiry,
L’Enfant prodigue, 1927
Or voici Ratapoil, immobile et songeur
– Bercé par le roulis monotone du train –
Le nez contre la vitre, un vieux livre à la main,
Qui regarde passer la campagne au dehors…
Prés, bosquets, tournesols, vignes à flanc de coteau
– Ici, le sol poudroie sous les roues d’un tracteur –
Vert tendre, éclats rieurs – là serpente un ruisseau –
Le vent froisse les blés, des nuages moutonnent…
Un palais se dessine, un cheval, un navire,
Un monstre sanguinaire, et sa belle Angélique –
Chevelure effleurant les confins du ciel bleu…
« Les amants d’autrefois – se dit-il soudain blême –
« Gravaient leur lien d’amour dans l’écorce des chênes,
« Quand le mien s’effiloche en nuées vaporeuses… »
T. C.
Choisi par Henri IV pour être le précepteur du dauphin, Nicolas Vauquelin Des Yveteaux fut chassé de la cour en raison de ses extravagances et de son libertinage.
Avoir peu de parents, moins de train que de rente,
Et chercher en tout temps l’honnête volupté,
Contenter ses désirs, maintenir sa santé,
Et l’âme de procès et de vices exempte ;
À rien d’ambitieux ne mettre son attente,
Voir ceux de sa maison1 en quelque autorité,
Mais sans besoin d’appui garder sa liberté,
De peur de s’engager à rien qui mécontente ;
Les jardins, les tableaux, la musique, les vers,
Une table fort libre et de peu de couverts,
Avoir bien plus d’amour pour soi que pour sa dame,
Être estimé du prince, et le voir rarement,
Beaucoup d’honneur sans peine et peu d’enfants sans femme
Font attendre à Paris la mort fort doucement.
Nicolas Vauquelin Des Yveteaux,
Poésies diverses, 1653
1. Ensemble des personnes formant une lignée, une dynastie.
Naguère, un homme qui habitait dans une ville de taille modeste, loin des remous du temps, se rendit pour quelques jours dans la capitale de son pays.
L’amour du luxe y régnait ; il vit des appareils numériques, des chaussettes, des viennoiseries présentés en vitrine comme des bijoux. Il croisa des silhouettes nonchalantes et sophistiquées, surprit quelques graves confidences de préoccupations légères, et vit s’ébattre une jeunesse fringante, aisée, ivre d’elle-même.
Des gens y bravaient le froid, la nuit, dans des files d’attente à l’entrée de lieux à la mode. D’autres dormaient dehors ; il vit des visages édentés, des peaux marquées de couperose et des corps abîmés, décatis.
Sur le chemin du retour, dans le train, il écrivit ce poème :
Ici règne un été
Qui jamais ne s’achève ;
Là mugissent les vents
D’un hiver éternel.
Et le monde pourtant
Continue de tourner…
T. C.
Très apprécié en son temps, François Coppée fut le poète des gens du peuple.
De la rue on entend sa plaintive chanson.
Pâle et rousse, le teint plein de taches de son1,
Elle coud, de profil, assise à sa fenêtre.
Très sage et sachant bien qu’elle est laide peut-être,
Elle a son dé d’argent2 pour unique bijou.
Sa chambre est nue, avec des meubles d’acajou.
Elle gagne deux francs, fait de la lingerie
Et jette un sou quand vient l’orgue de Barbarie.
Tous les voisins lui font leur bonjour le plus gai
Qui leur vaut son petit sourire fatigué.
François Coppée,
Promenades et Intérieurs, 1872
1. Taches de rousseur.
2. Son dé à coudre.
Ce mois-ci, Renée Rivière nous offre de nouveau une belle contribution :
Le désir de le revoir,
De recroiser son chemin
A laissé dans mon regard
Un arrière-goût d’amer
Quand je repense à l’amour :
Je ne vois que mes erreurs.
Vous recroiserai-je un jour ?
Voudrez-vous enfin m’aimer ?
Je vous attends d’heure en heure.
Envoi :
D’heurts en heurs, je vous attends.
Renée Rivière,
Mirages d’amour – Tous les hommes s’appellent François