Grisélidis Réal était poétesse, peintre et prostituée ; en 2002, on lui diagnostiqua un cancer grave.
À toutes les Prostituées, disparues et vivantes
À Fabiana
Sous le tranchant d’un couperet de marbre
Marquant le deuil de ma vie envolée
Je serai nue sous un linceul de neige
Enveloppée de feuilles et de terre
Aux cris funèbres des corbeaux de novembre
Sous un ciel noir au soleil disparu
Que reste-t-il de ce corps oublié
De cette chair qui fut si convoitée
Autrefois belle, adorée, caressée,
Que reste-t-il de ces yeux étoilés
De ce sourire, de cette bouche tendre
De tous ces mots prononcés et perdus
De ces bras doux qui vous ont tant serrés
De ces mains refermées sur tant de sexes
De ces seins ronds et de ce ventre ouvert
À vos désirs, vos souffles, vos baisers
Que reste-t-il des cris et des caresses
Que reste-t-il des soupirs, des silences
De tant d’amour donné vendu payé
De tant de rires et de gémissements
De compassion, de peur, d’étonnements
Ces quelques pierres muettes et des fleurs
Et le printemps venu comme un voleur
Ses chants d’oiseaux assourdis de chaleur
Et le vent fou venu de l’océan.
Genève, le 15 novembre 2002
Grisélidis Réal,
À feu et à sang, 2003