Un jour, quelqu’un qui souhaitait devenir son disciple fit de chaleureuses protestations d’amitié à notre homme. Ce dernier l’emmena dans une promenade à travers la ville.
Lorsqu’ils arrivèrent à une grande place, le maître s’arrêta devant une poubelle : Tiens mon manteau, s’il te plaît, demanda-t-il à son élève.
Il retroussa ses manches et, penché sur les ordures qu’il fouillait, parla ainsi :
Cette poubelle est la mieux fournie de la ville ; elle renferme toujours des denrées consommables.
Pourquoi une telle profusion ?
Parce que cet endroit est très fréquenté. D’ailleurs, il doit déjà y avoir une petite foule qui nous observe ; n’est-ce pas ?
Mais surtout, il est visité par des touristes étrangers qui achètent pour leurs collations des spécialités françaises que l’on trouve dans les commerces du coin : du camembert, du saucisson, des parts de quiche, des portions de cassoulet ou de choucroute, des sandwiches à l’andouillette… Ils se photographient les dévorant des yeux, puis les goûtent, ne les aiment guère et s’en débarrassent.
Comment pourraient-ils s’en régaler ?
Un repas simple, composé de céréales, de crudités, d’œufs et de fruits, peut satisfaire tout le monde. Mais quand il s’agit d’apprécier des recettes élaborées au cours des siècles, c’est une autre affaire…
Si je mange volontiers de vos plats traditionnels, moi qui viens de loin comme beaucoup de ces gens, c’est parce que je me suis défait des usages dont j’ai hérité.
Voilà, j’ai récolté…
Quand il se redressa, il vit son manteau traîner au sol ; son disciple était parti.
Les gens sont sur terre
De pauvres déchets,
Et leur amitié
Se périme vite.
T. C.