Plaquette regroupant six sonnets « d’amour sapphique », Les Amies furent publiées en Belgique sous le pseudonyme de Pablo de Herlagnez.
Toutes deux regardaient s’enfuir les hirondelles ;
L’une pâle aux cheveux de jais, et l’autre blonde
Et rose, et leurs peignoirs légers de vieille blonde1
Vaguement serpentaient, nuages, autour d’elles.
Et toutes deux, avec des langueurs d’asphodèles,
Tandis qu’au ciel montait la lune molle et ronde,
Savouraient à longs traits l’émotion profonde
Du soir, et le bonheur triste des cœurs fidèles.
Telles, leurs bras pressant, moites, leurs tailles souples,
Couple étrange qui prend pitié des autres couples,
Telles sur le balcon rêvaient les jeunes femmes.
Derrière elles, au fond du retrait riche et sombre,
Emphatique comme un trône de mélodrame,
Et plein d’odeurs, le lit défait s’ouvrait dans l’ombre.
Paul Verlaine,
Les Amies, 1867
1. Dentelle de soie plate, écrue à l’origine, exécutée au fuseau.