Ce poème a paru dans Les Lettres modernes, une revue éphémère qui fut entre autres animée par Guillaume Apollinaire.
Fumeur de tabac pauvre aux coulisses du rêve
Vieux mais non pas vieilli loin de la vérité
Je traîne mes souliers sur le pavé des grèves
Que bat le flot de la cité.
Ma jeunesse a fleuri le long des palissades
Où chante dans sa cage ultime un merle blanc
Ma guitare nocturne a gratté des ballades
J’ai le cœur vide maintenant !
J’ai savouré le spleen que ton granit vanna1
Escalier sans répit planté de réverbères
Et mon chapeau auréolé de nirvanas
L’a redescendu solitaire.
L’aventure, ô mortel, a passé sur ma butte
Un seul moulin à vent tourne l’aile sans bruit
Il ne reste à mon blé que de noires cahutes
Greniers que l’on emplit la nuit.
Max Jacob,
Les Lettres modernes, 1905
1. Épuisa.