Dans ce poème de « contr’amour », Philippe Desportes s’amuse de la poésie ronsardienne.
Est-il vrai qu’autrefois j’aie1 tant enduré
Pour des yeux que je vois sans plaisir et sans peine ?
Où sont tant d’hameçons dont elle était si pleine ?
Qu’est devenu ce poil crêpement2 blond doré ?
Je regarde ébahi son teint décoloré
Dont l’éclat autrefois la rendait si hautaine,
Et me moque à part moi de ma poursuite vaine,
Remerciant le temps qui m’en a retiré.
Ce que de mes amis le conseil salutaire,
L’absence, et les dédains, en moi n’avaient su faire,
Le cours du temps l’a fait, de mon amour vainqueur :
Et guérissant mon âme, enfin m’a rendu sage.
Car lorsqu’il vous ôta les roses du visage,
Lors même il m’arracha les épines du cœur.
Philippe Desportes,
« Diverses Amours et autres œuvres mêlées », Premières Œuvres, 1573
1. Le e entre dans la mesure du vers.
2. Avec des ondulations de crêpe.