À mon chien Pope

Qu’est-ce qu’une vie bonne pour un chien de race ? Voici ce qu’en pense Tris­tan Cor­bière :


À MON CHIEN POPE
– gentleman-dog from new-land1
mort dune balle

Toi : ne pas suivre en domestique,
Ni lécher en fille publique !
– Maître-philosophe cynique :
N’être pas traité comme un chien,
Chien ! tu le veux – et tu fais bien.

– Toi : rester toi ; ne pas connaître
Ton écuelle ni ton maître.
Ne jamais marcher sur les mains,
Chien ! – c’est bon pour les humains.

… Pour l’amour – qu’à cela ne tienne :
Viole des chiens – Gare la Chienne2 !

Mords – Chien – et nul ne te mordra.
Emporte le morceau – Hurrah ! –

Mais après, ne fais pas la bête ;
S’il faut payer – paye – Et fais tête3
Aux fouets qu’on te montrera.

– Pur ton sang ! pur ton chic sauvage !
– Hurler, nager –
Et, si l’on te fait enrager…
Enrage !

Île de Batz – Octobre

Tristan Corbière,
Les Amours jaunes, 1873


1. Fait ré­fé­rence à l’île ca­na­dienne de Terre-Neuve.
2. Cette tour­nure vieil­lie peut se com­pren­dre de deux ma­niè­res ; soit elle dé­si­gne ce qui me­nace (« Gare à la chienne »), soit ce qui est me­nacé (« Que la chienne prenne garde »).
3. Dé­fends-toi.

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