Pour apprivoiser le temps qui passe, Léon Vérane mène une vie simple face à la mer…
Pour Maurice Allem
Vers quelque lointaine Colchide,
J’aurais pu, moderne Jason,
M’embarquer d’une âme impavide
Pour aller ravir la toison ;
Et, désormais ivre de gloire,
Me voir acclamé dans Paris,
Dans tous les cinémas notoires,
Comme le gagnant du Grand Prix.
J’aurais pu… Mais dans mon village
J’ai préféré vivre ignoré,
Me réservant la part du sage :
Les flots verts, les sillons dorés.
Les livres de quelques poètes,
Une pipe, un flacon poudreux1
M’ont suffi pour changer en fête
D’humbles jours sous de calmes cieux.
Et pour voir, sans deuil ni tristesse,
Décroître au détour du chemin
Le fantôme de ma jeunesse
Avec des roses dans la main.
Léon Vérane,
Le Promenoir des amis, 1924
1. Poussiéreux.