À Alf. T.

Pen­dant un an, nous vous pro­po­se­rons, pour notre fes­tin des siè­cles, un cy­cle de po­è­mes sur la vie bonne.
Al­fred de Mus­set l’inau­gure avec ce son­net où il nous parle de son bon­heur :


Qu’il est doux d’être au monde, et quel bien que la vie !
Tu le disais ce soir par un beau jour d’été.
Tu le disais, ami, dans un site enchanté,
Sur le plus vert coteau de ta forêt chérie.

Nos chevaux, au soleil, foulaient l’herbe fleurie ;
Et moi, silencieux, courant à ton côté,
Je laissais au hasard flotter ma rêverie ;
Mais dans le fond du cœur je me suis répété :

– Oui, la vie est un bien, la joie est une ivresse ;
Il est doux d’en user sans crainte et sans soucis ;
Il est doux de fêter les dieux de la jeunesse,

De couronner de fleurs son verre et sa maîtresse,
D’avoir vécu trente ans comme Dieu l’a permis,
Et, si jeunes encor, d’être de vieux amis.

Bury, 10 août 1838

Alfred de Musset,
Poésies nouvelles, 1850

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