Sonnet

L’âge ba­ro­que a donné de nom­breux po­è­tes à la France. Marc-Antoine Gi­rard, sieur de Saint-Amant, est l’un des plus tou­chants den­tre eux.


Assis sur un fagot, une pipe à la main,
Tristement accoudé contre une cheminée,
Les yeux fixés vers terre, et l’âme mutinée1,
Je songe aux cruautés de mon sort inhumain.

L’espoir qui me remet du jour au lendemain,
Essaie à gagner temps sur ma peine obstinée,
Et me venant promettre une autre destinée,
Me fait monter plus haut qu’un Empereur Romain.

Mais à peine cette herbe est-elle mise en cendre,
Qu’en mon premier état il me convient descendre,
Et passer mes ennuis à redire souvent :

« Non, je ne trouve point beaucoup de différence
« De prendre du tabac, à vivre d’espérance,
« Car l’un n’est que fumée, et l’autre n’est que vent. »

Marc-Antoine Girard de Saint-Amant,
Les Œuvres, 1629


1. Agi­tée, ré­vol­tée, fu­rieuse.

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